Il s’agit ici de présenter l’éthique du care, de mettre en évidence les
raisons d’une résistance de la part des milieux académiques et des
féminismes à ce mouvement intellectuel, et de réhabiliter le sensible.
Les publications américaines sur l’éthique du care
et ses rapports avec l’éthique de la justice ayant été comparées, non
sans quelque sarcasme, à une véritable industrie, l’indifférence des
milieux académiques et des féminismes français vis-à-vis d’un mouvement
intellectuellement aussi important est étrange. Le moment semble donc
venu de présenter l’éthique du care, et de mettre en évidence
les raisons d’une telle résistance. C’est bien la dimension
provocatrice de l’idée même d’une éthique du care qui la rend
difficilement assimilable, et vulnérable. À la fois réponse pratique à
des besoins spécifiques qui sont toujours ceux d’autres singuliers,
activités nécessaires au maintien des personnes qu’elles soient
« dépendantes » ou «autonomes», travail accompli tout autant dans la
sphère privée que dans le public, engagement à ne pas traiter quiconque
comme partie négligeable, sensibilité aux « détails » qui importent
dans les situations vécues…, le care est nécessairement une affaire concrète, collant aux particularités des situations et des personnes.
La réflexion sur le care s’inscrit donc, d’emblée, dans un certain
tournant particulariste de la pensée morale : contre ce que
Wittgenstein appelait dans le Cahier bleu la « pulsion de généralité »,
le désir d’énoncer des règles générales de pensée et d’action, faire
valoir l’attention au(x) particulier(s), au détail ordinaire de la vie
humaine.
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